9 décembre 2024
Relations de travail
26 février 2019
Pénurie? Parlons de ceux qui ne travaillent pas.
On entend beaucoup les employeurs parler de pénurie de main-d’oeuvre. À la FTQ Construction, on croit qu’il se peut qu’il y aie des difficultés parfois de trouver des travailleurs et travailleuses pour combler des postes, mais au final, il existe des mécanismes dans les conventions collectives pour pallier à un besoin ponctuel. En attendant, il faut s’assurer que les employeurs regardent parmi les travailleurs et travailleuses déjà présents.
La moyenne d’heures travaillées
Pour évaluer la pénurie de main-d’œuvre, le volume total d’heures travaillées cache une réalité : la répartition des heures. Nous savons que la construction est une industrie dont les besoins en main-d’œuvre fluctuent au gré des saisons et que la présence de grands chantiers peut débalancer la demande, malheureusement, il y a des perdants et des gagnants.
Au cours de l’année 2017, la moyenne annuelle des heures par salarié a été de 942 heures travaillées sur une moyenne de disponibilité de 1920 heures (40 heures sur 48 semaines). La moyenne est plus élevée chez les compagnons (1030 heures) que pour les occupations (897 heures) et les apprentis (781 heures). De tous les travailleurs de l’industrie, 31% auraient travaillé moins de 500 heures dans leur année.[1]
Moyenne d’heures travaillées selon la région de domicile[1] | |||
Bas-St-Laurent-Gaspésie | 780,07 | ||
Saguenay-Lac-Saint-Jean | 757,56 | ||
Québec | 973,86 | ||
Mauricie-Bois-Francs | 897,15 | ||
Estrie | 872,59 | ||
Grand Montréal | 1003,31 | ||
Île de Montréal | 969,54 | ||
Montérégie | 1014,19 | ||
Laval-Laurentides-Lanaudière | 1006,86 | ||
Outaouais | 692,61 | ||
Abitibi-Temiscamingue | 755,38 | ||
Baie-James | 712,33 | ||
Côte-Nord | 902,44 | ||
Extérieur | 227,06 |
[1] CCQ, avril 2018. Calcul effectué par l’auteur.
Ceci a un impact immédiat sur les revenus. Le salaire annuel moyen pour les travailleurs de la construction se situe à 38 853$[2]. Ce salaire est légèrement plus élevé chez les métiers (39 345$) que les occupations (36 217$). Toutefois, certains métiers ou occupations connaissent un niveau d’activité supérieur que d’autres.
Une industrie de précaires
La faible moyenne d’heures travaillées a un impact direct sur les revenus des travailleurs de la construction. Alors que le salaire horaire est avantageux pour des travailleurs avec un DEP, le salaire annuel moyen reste pourtant faible.
Selon une étude sur les conditions viables au Québec, «un salaire viable est un salaire qui permet à un travailleur en emploi à temps complet de gagner assez d’argent pour satisfaire ses besoins de base ainsi que ceux des personnes à sa charge. Le salaire viable doit aussi permettre au travailleur de participer à la vie culturelle, politique et économique et lui laisser une certaine marge de manœuvre en vue de transformer sa situation socioéconomique.»[1] Il serait de mise qu’une personne qui travaille dans l’industrie de la construction comme principale occupation s’attend à pouvoir vivre décemment de son métier. Les chercheurs de l’IRIS définissent comme un travailleur pauvre quelqu’un qui ne gagne pas le salaire nécessaire pour acquitter un panier de dépense de base (épiceries, loyer, électricité, téléphone, transport, soins personnels et familiaux). Il faut noter qu’un salaire horaire élevé n’est pas une garantie d’un revenu annuel élevé, comme nous avons pu voir précédemment avec la moyenne d’heures travaillées.
Revenu annuel viable pour une personne seule[2] | Revenu annuel viable pour une personne avec un enfant | |
Montréal | 24 962$ | 34 074$ |
Québec | 24 614$ | 33 369$ |
Trois-Rivières | 21 963$ | 30 988$ |
Saguenay | 21 894$ | 36 864$ |
Sept-Îles | 29 058$ | 38 208$ |
Gatineau | 24 041$ | 32 969$ |
Sherbrooke | 22 266$ | 31 376$ |
Le salaire annuel moyen des travailleurs de la construction est de 38 853$, mais malheureusement, 43% des travailleurs de la construction font moins de 29 999$ par année[3]. Alors que pour quelques métiers, des revenus aussi bas sont une exception, pour d’autres, des salaires annuels moyens en dessous de 29 999$ sont la norme : les carreleurs (29 925$), les couvreurs (28 295$) et les poseurs de revêtements souples (28 360$).
Lorsque l’industrie de la construction est présentée comme une opportunité de carrière avec des conditions avantageuses, il est évident que les attentes des travailleurs qui prennent leur certificat de compétence sont d’avoir un salaire compétitif et de bons avantages sociaux. Lorsque le salaire médian au Québec est de 59 822$, la construction ne représente pas une industrie attrayante.[4]
Tant qu’il y aura des familles qui n’arriveront pas à boucler les fins de mois parce qu’ils ne font pas assez d’heures, nous continuerons de dire qu’il n’y a pas de pénurie de main-d’oeuvre.
Moyenne d’heures travaillées:
[1] CCQ, Statistiques annuelles de l’industrie de la construction : 2017, Direction de la recherche et de la documentation, Avril 2018.
[2] Salaire incluant les indemnités de congés, les primes et le temps supplémentaire.
Précarité:
[1] HURTEAU, Philippe, NGUYEN, Minh, Les conditions d’un salaire viable au Québec en 2017 : calculs pour Montréal, Québec, Trois-Rivière, Saguenay, Sept-Îles, Gatineau et Sherbrooke, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, avril 2017.
[2] Idem.
[3] Tableau C 34, CCQ, 2017.
[4] DEGRANPRÉ, Hugo, Revenu médian des ménages, le Québec bon dernier au pays, La Presse, 14 septembre 2017.