La difficulté de l’industrie de la construction à maintenir sa main-d’œuvre est alarmante. Déjà en 2008, la CCQ publiait Les abandons dans les métiers et occupations de la construction.[1] Les auteurs constataient que 38% des salariés admis quittaient l’industrie après 5 ans.

Dépendant des métiers, le taux d’abandon après 5 ans varie entre 12% chez les grutiers et 54% chez les mécaniciens de machines lourdes. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette différence. Principalement l’instabilité et la sécurité sur les chantiers.

L’instabilité

L’industrie de la construction est caractérisée par une instabilité constante de sa main-d’œuvre. Les emplois sont temporaires, l’ouvrage est cyclique et plusieurs tâches dépendent des saisons. Il existe une grande fluctuation de la main-d’œuvre entre la construction et d’autres secteurs d’activité lorsqu’il y a une baisse d’ouvrage dans la construction. Les contrats gouvernementaux pourraient être utilisés pour stabiliser l’industrie.

Il y a aussi beaucoup de jeunes travailleurs non spécialisés qui essaient l’industrie attirés par les offres d’emploi et par des salaires plus élevés que la moyenne pour des travailleurs sans formation. Par contre, l’instabilité, les conditions de travail et les risques d’accident peuvent mettre fin à leur «expérimentation».

La revue de littérature effectuée par la CCQ démontre que :

«[…]plus le secteur de la construction tend à améliorer la situation des travailleurs sur le plan des salaires, de la stabilité en emploi, des avantages sociaux, des conditions de travail, etc., plus on observe une capacité de rétention de la main-d’œuvre. À l’inverse, plus on dérégule le secteur et plus on précarise les conditions salariales et d’emploi, plus on contribue à la mobilité vers l’extérieur de l’industrie. […] Le risque d’accident dans l’industrie de la construction ne fait qu’ajouter une difficulté particulière à cet égard lorsqu’en plus les conditions salariales et d’emploi y sont précaires.»[3]

La sécurité sur les chantiers

La construction représente 5% de la main-d’oeuvre du Québec, mais 25% des accidents. Cela fait plus de 30 ans que la LSST a été adopté par l’Assemblée nationale et les articles concernant l’industrie de la construction ne sont toujours pas promulgués alors que notre industrie détient le record de décès et d’accidents chaque année. Nous avons l’obligation de mettre en place toutes les mesures qui peuvent améliorer les performances en santé et sécurité sur les chantiers. Les articles 204 à 215, s’ils étaient promulgués, permettraient de former des comités de santé et sécurité paritaires sur les chantiers.

Le problème de rétention a un impact direct sur la qualité de la main-d’œuvre. Plus la main-d’œuvre est stable et reste longtemps dans l’industrie, plus les entreprises peuvent compter sur des travailleurs avec de l’expérience, qualifiés et polyvalents. Évidemment, cette expérience a aussi un impact sur la santé et la sécurité : un roulement constant de la main-d’œuvre signifie que les nouvelles recrues n’ont pas ou peu de connaissances des règles de santé et de sécurité et sont moins vigilantes aux dangers. Les bonnes habitudes de travail s’apprennent en accumulant de l’expérience.

 

[1] DUPUIS, Pauline, DELAGRAVE, Louis, PILON, Jean-Luc et Jean CHAREST, Les abandons dans les métiers et occupations de la construction, Commission de la construction du Québec, Février 2008.

[2] Ibid, p. 7.

[3] Ibid, p. 19