Le vendredi 26 octobre 2007 – La Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a déposé le 16 octobre dernier son rapport d’enquête sur l’accident survenu au chantier du pont de Terrebonne ayant coûté la vie à M. Frédéric Jean, un opérateur de pelle hydraulique. Le rapport est clair: l’absence de prévention et une lamentable organisation du travail sont en cause dans cet accident.

La FTQ-Construction dénonce l’irresponsabilité de l’employeur
Après l’analyse des causes ayant mené au décès de Frédéric Jean , il apparaît évident que cet accident mortel aurait pu être évité si l’employeur, Les Constructions Infrabec (Infrabec), avait fait preuve d’une réelle préoccupation pour la santé et la sécurité des travailleurs, ce qui implique non seulement la mise en place de mesures de prévention de base, mais aussi l’établissement de méthodes de travail sécuritaires de même qu’une planification du déroulement des travaux et de l’évolution du chantier de façon à prévenir et à éliminer les risques.

Rien de tout cela n’a été fait et ce, malgré le fait qu’il s’agit d’un chantier à haut risque (travail en milieu aquatique, conditions climatiques difficiles, utilisation d’installations temporaires telles que la construction d’un batardeau) et que l’employeur, Infrabec, en est à sa première véritable expérience dans ce type de travaux. Les manques sont nombreux, flagrants et totalement inacceptables.

Des méthodes de travail inadéquates
Le manque de connaissances et d’expérience d’Infrabec n’est pas sans conséquence sur le déroulement des travaux. L’ensemble de la planification est déficiente et, dès le départ, des retards importants dans les délais sont générés par de mauvaises méthodes de travail. Des méthodes qui, rappelons-le, sont dictées de vive voix à même le chantier par le surintendant sans aucune planification en matière de prévention.

«Les retards dans les délais se sont accumulés et le ministère des Transports (MTQ), le donneur d’ouvrage, a mis de la pression sur Infrabec pour conclure les travaux. Des méthodes de travail dangereuses en ont résultés, situation que l’on retrouve malheureusement trop souvent sur les chantiers de construction», a déclaré M. François Patry, directeur du service santé et sécurité du travail à la FTQ-Construction.

Des mesures de prévention insuffisantes
Selon le Code de sécurité, pour un chantier totalisant une somme de plus de 8 millions de dollars, le maître d’œuvre a l’obligation de prévoir la présence à temps complet d’un agent de sécurité sur le chantier. Or, c’est le contremaître qui s’acquittait ici de cette responsabilité, lequel n’avait ni formation, ni attestation, ni compétence en la matière.

Infrabec a aussi engagé un consultant en santé et sécurité devant visiter le chantier à raison de deux à trois heures par jour, ce qui est nettement insuffisant en plus de contrevenir au Code de sécurité. Ce consultant a toutefois soumis de nombreux rapports à la direction d’Infrabec à l’effet que les dangers sont nombreux sur le chantier et que les méthodes de travail sont en cause. Le consultant informe Infrabec qu’il faudrait apporter certains correctifs; malgré ces avertissements, rien n’a été fait.

«La négligence de l’employeur est horripilante… C’est choquant! À ce stade, il est clair que le chantier est dangereux et que des modifications doivent être apportées dans l’urgence, commente M. Patry à la lecture du rapport de la CSST. Une gestion de la santé et sécurité sur un mode réactif plutôt que proactif et l’absence de coordination dans les travaux ont mené à des prises de décisions qui, dès le départ, ont causé nombre de problèmes.»

Le MTQ a décidément aussi part des responsabilités
Comment se fait-il que le Ministère des transports accorde un contrat de cette envergure et de cette complexité à une compagnie qui n’a ni l’expérience ni les compétences requises pour réaliser les travaux?

Les travaux de génie civil se multiplient et représentent la manne pour certains entrepreneurs qui s’aventurent sur des terrains inconnus. Sans expérience, ni connaissance de ce que représente ces travaux, ils soumissionnent au plus bas et remportent le contrat. Or, le moins cher n’est pas nécessairement la meilleure option. C’est même la source d’un problème virulent dans l’industrie de la construction : le « fast track ».

Pire encore, le MTQ confie la conception et la surveillance des travaux à la firme d’ingénierie, CIMA +. Ces prétendus spécialistes ont laissé Infrabec ajouter de la pierre de particules fines pour surélever le batardeau, et ce à plusieurs reprises, malgré le fait que cela va à l’entrecontre des plans et devis.

La littérature est pourtant spécifique: ce type de pierres est absolument proscrit pour la construction d’ouvrages temporaires. C’est d’ailleurs en raison de ces pierres qu’une plaque de sol gelée s’est formée. Plaque qui s’est brisée, causant la chute dans la rivière de la pelle hydraulique de Frédéric Jean. Le ministère contrevient à ses propres règles pour accélérer la production, comment est-il possible alors de faire de la santé et sécurité une véritable priorité sur les chantiers?

La FTQ-Construction est d’avis que le ministère n’est pas indemne dans cet accident et qu’il a un rôle à jouer en tant que donneur d’ouvrage. Il en va de même pour l’ensemble des donneurs d’ouvrages publics. C’est d’ailleurs aussi l’avis de la CSST qui entrera en contact avec ces organismes afin de leur exposer les constats du rapport d’enquête de cet accident mortel.

Pour que ça cesse
La FTQ-Construction est très satisfaite du travail exécuté par la CSST dans ce dossier. Encore une fois, on reconnaît que les véritables causes ayant mené directement à cet accident mortel sont la déficience des mesures de prévention, la mauvaise gestion de la santé et sécurité, des méthodes de travail dangereuses et inadéquates de même qu’une organisation du travail qui résulte d’un manque d’expérience… des responsabilités qui incombent toutes à l’employeur : Les Construction Infrabec.

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