Réponse de la FTQ-Construction à la position de la Commission de la construction du Québec en matière de santé et de sécurité au travail.
Publié le 12 juin 2007
Le mardi 12 juin 2007 – Le président-directeur général de la CCQ s’adressait, le 16 mai dernier, à l’Association patronale des entreprises en construction du Québec dans le cadre d’un symposium en santé et sécurité du travail. C’est la deuxième fois dans la dernière année que la Commission de la construction du Québec s’ingère dans ce secteur pour lequel elle ne possède ni expertise ni connaissance. Bien que cela transparaisse à la lecture du texte soumis par la CCQ, il n’en demeure pas moins que la CCQ nous ramène, par son discours, à la situation qui prévalait il y a plus de trente ans.
Discours du président-directeur général de la CCQ présenté devant l’APECQ.
La FTQ-Construction s’interroge de diverses façons sur ce qui motive la CCQ à agir de la sorte. Comment se fait-il que la CCQ s’arroge le droit de se prononcer sur un tel sujet? Comment développe-t-elle son argumentaire et sur quoi reposent ses énoncés? En agissant comme elle le fait, la CCQ n’aide en rien à solutionner les problèmes à survenir sur les chantiers de construction, bien au contraire, elle les amplifie.
Voici donc la réponse de la FTQ-Construction quant aux propos tenus par le président-directeur général de la Commission.
Montréal, le 12 juin 2007
Monsieur André Ménard
Président-directeur général
Commission de la construction du Québec
3530, rue Jean-Talon Ouest
Montréal, Québec
H3R 2G3
Objet : Votre position dans le dossier de la santé et de la sécurité du travail
Monsieur,
Déjà lors du Forum sur la productivité et l’emploi tenu l’automne dernier, la Commission de la construction du Québec improvisait un atelier portant sur la santé et la sécurité du travail et nous ramenait, tant qu’à son thème, plus de 26 ans en arrière. En effet, tenir un seul atelier de travail sur la santé et la sécurité avec pour point central l’évolution technologique comme mode de réduction du nombre de lésions professionnelles et de décès avait de quoi surprendre. Mais qu’à cela ne tienne, s’il apparaît bien pour la Commission, au risque même de faire preuve de son incompétence en pareille matière; on se fout du résultat, aussi néfaste soit-il pour les travailleuses et les travailleurs, on tient l’atelier. Cette persistance démontre, non plus l’incompétence, mais plutôt l’insouciance de la Commission, son incurie et son « je m’en foutisme » quant à la vie et à la santé des travailleurs et illustre le peu de cas que l’on entretient à leur endroit.
En faisant vôtres les prétentions du Conseil du patronat et en adoptant devant une association patronale des positions aussi rétrogrades, vous choisissez votre camp, vous creusez votre tranchée, déclarez la guerre à tous ceux qui tentent de faire évoluer les mentalités et remettez en question le régime juridique qui gouverne la SST au Québec. Et comme si ce n’était pas assez, vous amenez le lecteur à conclure qu’il est impératif de ramener l’industrie de la construction à l’idéologie dominante qui avait court avant l’adoption de la Loi sur la santé et de la sécurité du travail. Alors que nous nous battons au quotidien afin de voir le régime de santé et de sécurité du travail s’appliquer uniformément et intégralement à notre secteur d’activité économique, vous préférez défendre des mécanismes rétrogrades et arriérés qui tuent et mutilent de plus en plus de travailleuses et de travailleurs de la construction et ce année après année. Bravo!
Le discours que la Commission entretient sur la santé et de la sécurité du travail depuis le Forum sur la productivité, et plus particulièrement le vôtre à titre de président-directeur général de cet organisme, va à l’encontre de la littérature scientifique du domaine. Vos arguments reposent sur une vision idéaliste et romantique de l’humain qui a été rayée de la carte avec l’avènement de la pensée rationnelle. Relisez votre texte et vous serez à même de conclure que, selon vous, toute la responsabilité en matière de santé, autant au travail que dans le privé, repose essentiellement sur l’individu. À ce sujet, l’exemple que vous nous livrez sur le sida est pathétique tout en demeurant remarquable puisqu’il repose sur une méconnaissance inqualifiable de cette réalité, dans la mesure où votre administration se targue d’être à la fine pointe en matière de prévention.
Au moment où la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) admet que l’organisation et les méthodes de travail déficientes sont les principales causes des accidents mortels à survenir sur les chantiers, vous en êtes encore à prétendre que ce sont les comportements qui en sont responsables. Pourtant, nous savons que le comportement est la réponse à des conditions objectives. Les rapports d’accidents mortels produits par la CSST vont dans ce sens, mais vous ne les avez pas lus, analysés, disséqués. Je vous comprends, les employeurs aurait été en furie de savoir pourquoi ça va mal en santé et sécurité au travail. Voilà pourquoi vous prétendez que « les étudiants sont ainsi mieux préparés aux risques auxquels ils sont exposés en milieu de travail ». Mais la question de fond s’impose d’elle-même : à quoi sert-il d’être informé ou formé si des mesures de prévention ne sont pas mise en place sur les lieux du travail? Peut-être aurait-il été de mise de prendre minimalement connaissance de la Loi sur la santé et la sécurité du travail santé du travail, dont l’article 2 prévoit que « La présente loi a pour objet l’élimination à la source même des dangers pour la santé et la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs. »
Vous remarquerez que la Loi vise l’élimination des dangers à la source. Et de quelle manière doit-on atteindre ce résultat? Le Livre blanc sur la santé et la sécurité du travail nous disait à ce propos :
Il faut aussi reconnaître aux travailleurs le droit de participer activement, individuellement et collectivement, à l’élaboration et au contrôle des moyens de prévention appropriés à leur milieu de travail. De même, ils ont le droit de participer à l’élaboration des normes et des règlements et à celle des programmes de recherche sur la santé et la sécurité au travail.
L’exercice de ce droit de participation suppose qu’on reconnaisse aussi à un ou à des représentants désignés par les travailleurs, ou leur syndicat, le droit de s’absenter de leur poste de travail et que le temps ainsi consacré aux fins de santé et sécurité soit considéré comme du temps de travail et rémunéré à ce titre. Les modalités d’exercice de ce droit seront précisées par règlement et devront tenir compte des caractéristiques propres aux diverses entreprises. 1
En conclusion, lorsque vous prenez la parole en matière de santé, vous êtes dangereux et, par le discours que vous entretenez, vous mettez en péril la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleuses et des travailleurs de la construction. En prétendant notamment que par la formation professionnelle, l’inspection ou le régime de santé, vous auriez participé à l’avancement de la SST dans le secteur de la construction, vous plaidez plutôt coupable à l’accroissement du nombre de décès à survenir sur les chantiers puisque telle est la triste réalité. Cela démontre plutôt la faillite de vos modes de prévention.
Le directeur général adjoint
Richard Goyette
1 Santé et sécurité au travail, Politique québécoise de la santé et de la sécurité des travailleurs, Gouvernement du Québec, Éditeur officiel du Québec, 1978, page 203.