Le lundi 20 mai 2008 – Par un temps splendide sur la capitale nationale, Monsieur et Madame Roussin me racontent calmement leur histoire, celle de leur fils surtout. François-Jacques Roussin est décédé en 2004, à l’âge de 18 ans, lors d’une mission humanitaire en République Dominicaine.

Résumé des circonstances
François-Jacques Roussin prenait part à un groupe de six stagiaires de la région de Québec. L’objectif de cette mission dans le Batey de Mata Los Indios consistait essentiellement en la finition d’une école. Selon les renseignements fournis, les jeunes stagiaires devaient installer le matériel nécessaire au fonctionnement de l’école: pupitres, tableaux, etc.

Or, il s’est avéré que les travaux préalablement définis se sont transformés sur place en travaux de construction. Le matin du 16 juin 2004, les jeunes montaient des sceaux d’eau et de sable sur le toit de l’école, où des maçons oeuvraient. Vers midi, le toit de l’école s’est effondré. François-Jacques était alors assis sur une échelle appuyée contre l’avancée du toit; il a basculé vers le bâtiment qui s’effondrait. Conduit à l’hôpital, on a constaté la gravité de ses blessures. Faute d’équipements nécessaires, il est alors transféré dans un autre établissement où l’on constate son décès.

Un rapport accablant
Le rapport du coroner a été publié en novembre dernier, suscitant maintes réactions. Les conclusions du coroner Malouin sont on ne peut plus claires: «Il s’agit d’un décès accidentel évitable», énonce-t-il dès les premières lignes.

Le rapport stipule que «Les stagiaires effectuaient définitivement des travaux de construction qu’ils n’auraient jamais eu le droit de faire au Québec sans être détenteur d’une carte de compétence. La Loi sur les relations de travail dans l’industrie de la construction est formelle. Tout travail de construction concernant un édifice public, telle une école, doit être effectué par des personnes détenant des cartes de compétence pour ce faire. (…) Travaux interdits donc au Québec, mais que l’on fait faire en pays étranger par des jeunes Québécois non formés (…).»

Ces jeunes n’avaient non seulement aucune formation pour exercer ces travaux, aucune connaissance des dangers que représente un chantier de construction, aucune formation en santé et sécurité, aucune mesure de protection, mais en plus, personne sur les lieux de travail n’avait les qualifications requises à la supervision de tels travaux.

Dans son rapport, Me Malouin adresse de multiples recommandations à l’endroit des différents organismes impliqués, dont le ministère des Relations internationales (MRI). «Nous sommes bien entendus satisfaits du rapport du coroner de même que des recommandations qui y sont faites, mais nous trouvons regrettable que l’ensemble de ces intervenants aient attendu qu’un accident aussi tragique survienne pour réagir», de confier Madame Roussin, la mère du jeune François-Jacques.

Les recommandations
«Le MRI alloue des millions de dollars en subventions afin d’encourager les jeunes à participer à ce type de missions humanitaires. Nous ne voulons pas que ces missions disparaissent, nous souhaitons simplement que les choses se fassent adéquatement… pour que jamais une histoire comme celle de François-Jacques ne se reproduise», mentionne M. Roussin.

D’ailleurs, les recommandations de Me Malouin vont tout à fait dans ce sens. Il souligne l’aberration du fait que le MRI alloue des subventions à des missions qui ne respectent même pas les lois du Québec. Sachant que le champ d’application de la Loi R-20, qui régit les relations de travail dans l’industrie de la construction, a des limites territoriales, il convient tout de même de s’assurer que des mesures soient prises afin d’assurer la santé et la sécurité des jeunes Québécois qui oeuvrent à l’étranger dans le cadre de missions humanitaires. Cette lacune dans l’évaluation des travaux se révèle être la principale cause du décès de François-Jacques.

Mission de sensibilisation
«Bien qu’il soit difficile d’imaginer dans les pays en voie de développement des conditions en tous points similaires à celles que l’on retrouve au Québec, il est plus qu’impératif que ces jeunes soient mieux formés quant aux tâches précises qu’ils auront à faire. Les accompagnateurs et les responsables locaux doivent aussi être mieux formés et informés quant aux objectifs et aux buts des stages dont ils ont la responsabilité», d’expliquer les Roussin.

Tel est d’ailleurs le point de départ de leur démarche, à la fois personnelle et collective, de sensibilisation auprès des jeunes, des parents, des organismes et des partenaires impliqués de près ou de loin dans ces projets humanitaires: «Parce qu’un projet humanitaire, c’est d’abord et avant tout un don de soi… Ça ne veut pas dire pour autant qu’on doive y risquer sa vie!»

La formation professionnelle comme nerf de la guerre
Cette histoire a fait écho aux oreilles de la FTQ-Construction. D’abord profondément touchée par le sort du jeune François-Jacques, la FTQ-Construction, à défaut d’avoir eu l’occasion de le faire plus tôt, tient à offrir ses plus sincères condoléances à la famille et aux proches du jeune homme.

Ensuite, l’essentiel du message porté par le coroner Malouin et les Roussin, mise sur l’importance fondamentale de la formation quant à la santé et la sécurité des jeunes qui offrent leur labeur à l’étranger. Le décès de François-Jacques résulte de l’absence de toute formation quant aux travaux sur un chantier de construction, à la fois pour lui, pour ses compères et pour les individus responsables sur place.

À chacune des occasions qui lui sont présentées, la FTQ-Construction s’est toujours prononcée en faveur de l’intégration à l’industrie de la construction via la formation professionnelle. L’industrie de la construction du Québec est considérée, partout en Amérique du Nord, comme l’une des plus performantes; notre main-d’œuvre fortement qualifiée est recherchée pour son expertise. Malgré tout, en 2007, 54 travailleurs et travailleuses de la construction sont décédés des suites de leur travail et on ne compte plus les blessés. Imaginez, en vous référant au cas de François-Jacques, ce qu’il en serait sans la formation professionnelle.


MM/