Montréal, le 14 mars 2006. Le président de la FTQ, Henri Massé tenait une importante conférence de presse hier afin de dénoncer l’accroissement des décès à survenir en raison du travail. Pour l’ensemble des secteurs d’activité économique, le pourcentage d’augmentation des décès pour la seule année de 2005 a cru dans l’ordre de 25% passant à 225.

Pour les questions spécifiques au secteur de la construction, Henri Massé était accompagné de Richard Goyette, directeur général adjoint à la FTQ-Construction et président du comité de santé et de sécurité au travail de la FTQ.

Le tableau que Richard Goyette a livré de l’industrie de la construction est loin d’être reluisant en matière de santé et de sécurité au travail. Seulement pour l’année 2005, la construction a connu un des pires bilans en accumulant plus de 53 décès, soit une hausse de 66% par rapport à l’année antérieure. Depuis plus de 25 ans, la mise en vigueur des dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité au travail se fait attendre alors que pendant ce temps les travailleuses et les travailleurs de ce secteur d’activité paient de leur vie le retard à agir.

Selon la FTQ-Construction, l’organisation du travail déficiente est la principale responsable des lésions professionnelles et des décès à survenir dans le secteur de la construction et bon nombre d’exemples peuvent être donnés afin de démontrer que loin de s’améliorer, les conditions de santé et de sécurité se détériorent sur les chantiers.

Du droit de refus sur le chantier hydroélectrique des Chutes-Allard et Rapides-des-Cœurs en passant par le chantier de Toulnustouc où les entreprises Aecon et Hydro-Québec ont été sévèrement pointées du doigt par la CSST il y a quelques semaines, sans oublier Péribonka encore sur la sellette il y a peu de temps, autant d’exemples démontrant clairement que tout ne tourne pas rond sur les lieux de travail. Doit-on parler des conditions déplorables dans lesquelles se sont exécutés les travaux sur le chantier du métro menant à Laval ou encore de quelles manières certaines pétrolières ont un mépris affiché à l’endroit de l’intégrité physique ou de la vie d’autrui?

Il ne faut pas non plus se laisser berner par d’autres déclarations à l’effet que le nombre d’accidents est en chute et que ce que nous avons à déplorer n’est que la résultante de maladies contractées il y a plusieurs années. La vérité c’est qu’il ne faut pas nécessairement dix ans à une maladie professionnelle pour rendre invalide ou tuer. Croire le contraire relève d’une dangereuse naïveté et la crédulité n’a pas sa place en pareille matière. Les produits nocifs à la santé circulent dans nos lieux de travail et la FTQ-Construction n’a pas ménagé des efforts afin de tenter d’en limiter les conséquences. De nouveaux produits apparaissent sur le marché chaque jour et envahissent nos milieux de travail. Qui garanti aux travailleuses ou aux travailleurs qu’ils ne sont pas nocifs?

Lors des récentes auditions que tenait la Commission de l’économie et du travail portant sur le projet de loi 135 modifiant la Loi 1, Richard Goyette soulevait avec beaucoup d’à propos, la contradiction évidente entre le souci que prétend démontrer le gouvernement à l’endroit des relations du travail qui prévalent dans l’industrie de la construction alors que l’on ne fait aucun cas des décès, des maladies ou des accidents causés par le travail qui surviennent quotidiennement. Seule la FTQ-Construction a interpellé le gouvernement à ce sujet. La question reste entière…nous n’avons reçu aucune réponse. Qui s’en soucie?

D’autres interrogations s’imposent à nous d’emblée. Pourquoi la Loi québécoise prévoit-elle toujours les mêmes amendes qu’il y a 26 ans? Pourquoi ces amendes sont-elles cinq fois inférieures à celles du Code fédéral ou de celles des lois en application en Ontario ou en Colombie-Britannique? Pourquoi entretient-on un service d’inspection déficient puisque l’on sait, de l’aveu même de la CSST, que les inspecteurs, en nombre insuffisant, ne peuvent couvrir qu’environ 3% à 5% des lieux de travail? Comment ce fait-il que l’on n’ait toujours pas utilisé les nouvelles dispositions du Code criminel spécifiques au monde du travail (art 217.1)? Pourquoi ne pas mettre en vigueur l’ensemble des dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, ce qui aurait pour effet de mettre un terme au carnage qui sévit sur les chantiers? Avec un tel bilan, comment peut-on se questionner encore candidement afin de savoir pourquoi le nombre de décès à survenir, en raison du travail, croît au Québec. Mais soyons sérieux et si tout cela reposait uniquement sur une question d’argent en serait-on vraiment surpris? Tant que les morts et les blessés causés par le travail apparaîtront dans la colonne des coûts de production, comme si l’on pouvait ainsi comptabiliser ces drames comme pertes et profits, sans autres conséquences pour ceux qui les concoctes, la situation demeurera la même.

Le mépris affiché à l’endroit de la vie des travailleuses et des travailleurs doit-il nous surprendre? Ceux qui oeuvrent sur nos chantiers, qui chaque jour s’activent à construire nos barrages et nos centrales hydroélectriques, nos aéroports, nos maisons, nos hôpitaux, nos écoles, nos centres de loisirs, nos commerces, nos routes, etc., sont-ils condamnés à mourir encore en plus grand nombre?

Si nous savons collectivement que tout cela est bien réel. Si le gouvernement du Québec ne fait rien tout en étant informé de la situation qui prévaut sur nos lieux de travail, car il en est bien informé dans la mesure où année après année le rapport annuel de la CSST dénonçant cet état de fait est déposé à l’Assemblée nationale. Si la CSST n’est pas plus intransigeante à l’endroit des entreprises délinquantes et enfin plus important encore, si nous ne nous scandalisons pas à chaque mort qui survient, que doit-on en penser?

Si nous savons tout cela et que nous ne faisons rien, il faudra bien reconnaître qu’il s’agit d’un crime de société.

1- Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (L.R.Q., c. R-20)

RG/