Le vendredi 16 janvier 2007 – Le rapport d’enquête portant sur l’accident mortel survenu le 29 mars 2006, que vient de rendre public la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), démontre encore une fois que la FTQ-Construction a raison lorsqu’elle dénonce la situation qui prévaut sur les chantiers du Québec. Si les faits bruts se résument à l’écroulement d’un bâtiment en construction, entraînant la mort d’un travailleur et en blessant 8 autres, l’analyse nous révèle, pour sa part, que cet événement aurait été facilement évitable. Pourquoi dans ce cas l’accident est-il survenu ?

S’agit-il d’un cas particulier ? Est-ce un accident regrettable qui s’est produit malgré toutes les mesures que l’on a prises pour l’éviter ? Absolument pas. Il s’agit, encore une fois, d’un de ces cas qui, depuis des décennies, viennent démontrer le peu de souci qu’entretient l’industrie à l’égard de la santé et de la sécurité de ses travailleurs et de ses travailleuses. La FTQ-Construction a procédé à faire un bilan des décès survenus durant les 24 dernières années, exception faite pour 1985, année pour laquelle les données ne sont pas disponibles. Ce bilan repose essentiellement sur les rapports et les analyses de la CSST. À l’enquête, on apprend que, durant cette période, l’industrie de la construction a tué 575 personnes au Québec. Plus encore, on apprend que l’industrie tue de plus en plus de travailleurs ou de travailleuses puisque pour les 10 dernières années, on en a tué 313. Si, sur les 23 ans pour lesquels des données statistiques sont disponibles, on compte une moyenne de 25 décès par année, cette moyenne augmente à 31,3 décès par année pour les 10 dernières années et à 38 décès par année pour les 5 dernières années.

Les pseudo grands spécialistes du domaine tentent d’expliquer les tenants et aboutissants d’une telle situation. À titre d’exemple, on nous explique que près de 50% des décès sont maintenant dus à des maladies du travail plutôt qu’aux accidents. Grand bien nous en fasse; comme si d’apprendre que l’on se meurt d’un cancer du poumon avait un petit visage sympathique, un air de fraîcheur! Plus encore, puisque les maladies dont on meurt en raison du travail ne sont pas nouvelles, puisqu’elles existaient avant mais sont maintenant révélées à force de luttes syndicales (l’amiantose par exemple), cela démontre uniquement qu’antérieurement, on mourait sans être indemnisé. Beau constat, surtout quand il vient de la CSST elle-même.

On tente aussi d’imputer un plus grand nombre de décès à l’augmentation de l’activité économique. C’est complètement faux! Les statistiques de la CSST et les rapports annuels démontrent le contraire. Alors que l’activité économique voit la masse de travailleurs augmenter de 3% entre 1983 et 1984, le nombre de décès lui augmente de 70%. On peut s’interroger à savoir s’il ne s’agirait pas d’une « cuvée » d’exception qui viendrait noircir une progression vers l’assainissement des milieux de travail. Eh bien, non! Il s’est produit un phénomène identique entre 1987 et 1988, 1999 et 2000, 2004 et 2005. Il arrive même que le nombre de personnes actives dans l’industrie de la construction décroît, mais que le nombre de décès augmente. Une comparaison des années 1992-1993, 1993-1994, 1995-1996 démontre pour sa part cette tendance.

Nos pseudo-spécialistes ont aussi, selon les années, tenté des explications touchant les jeunes, le manque d’information, la formation, etc. Pourtant, la réponse est simple et les solutions sont là, disponibles. Si chacun des points mentionnés peut être vrai, ils sont totalement erronés si l’on ne se dote pas d’une politique d’ensemble qui couvre tous les aspects de l’organisation de la santé et de la sécurité. C’est globalement qu’il faut aborder la question.

Il y a 27 ans, le gouvernement du Québec adoptait une loi visant à mettre un terme aux drames qui se produisent dans le monde du travail. Mais les dispositions législatives spécifiques au secteur de la construction contenues dans cette loi ne sont toujours pas en vigueur. Cette loi, la Loi sur la santé et la sécurité du travail, repose sur un constat relativement simple, appuyé par un grand nombre d’études scientifiques: la seule façon de réduire significativement les accidents, les maladies et les décès à survenir passe par la mise ne place, dans nos milieux de travail, de mécanismes permettant d’éliminer à la source les dangers.

Quels sont ces moyens? Ils sont simples. Un programme de prévention élaboré de manière à mettre en évidence les risques que le travail peut comporter et d’y prévoir les moyens pratiques afin de les éliminer, tout en prévoyant expressément l’organisation afin de soutenir cet objectif. On pense notamment à la mise en place d’un comité de chantier et de la nomination sur le chantier d’un représentant à la prévention.Voilà des mécanismes souples, simples et efficaces qui ont fait leurs preuves dans de nombreux milieux de travail où ils ont été institués. La loi prévoit déjà ces mécanismes, mais jusqu’à maintenant, aucun gouvernement n’a eu le courage politique de mettre en vigueur ces dispositions qui tardent toujours.

En réalité, pourquoi ces solutions ne sont pas mises en pratique ? Il s’agit uniquement d’une question de gros sous. Tant et aussi longtemps qu’il ne coûtera presque rien de tuer ou de mutiler un travailleur ou une travailleuse rien ne changera. Dans un tel contexte, on ne doit pas se surprendre de l’administration que l’on fait de notre régime de prévention, amputé de son moteur, ou encore des mutilations apportées à notre régime d’indemnisation année après année. Tout cela concourt à une fin dont le bilan est concluant.

Le directeur général adjoint
Richard Goyette