Le jeudi 20 mars 2008 – «Une amende ridicule compte tenu des circonstances accablantes et des dirigeants indemnes de toute accusation, l’histoire se termine finalement plutôt bien pour Transpavé», se désole François Patry, directeur à la santé et sécurité du travail à la FTQ-Construction.

Transpavé est la première compagnie québécoise à être condamnée pour négligence criminelle. «La sentence de Transpavé aurait dû être exemplaire. Elle n’est malheureusement que le reflet de l’inertie qui prévaut en matière de santé et de sécurité du travail au Québec», renchérit M. Patry.

Parce que les «accidents», ça n’existe pas…
Rappelons que le jeune Steve L’Écuyer a été écrasé mortellement par le grappin d’un palettiseur. Les conclusions du rapport d’enquête de la CSST révèlent notamment que le dispositif de protection a été neutralisé et que des méthodes de travail dangereuses sont en cause dans cet accident. Quelle surprise…

La CSST émet des constats éloquents dans son rapport quant à la responsabilité de l’employeur dans cet accident. Pourtant, aucune accusation criminelle n’a été portée contre les dirigeants de Transpavé, seule l’entité corporative est en cause dans le dossier.

Comment se fait-il que, malgré un dossier étoffé, des constats éloquents, des éléments de preuves largement suffisantes, le procureur n’ait pas jugé bon de poursuivre les dirigeants, véritables responsables de cet accident? Ce n’est tout de même pas l’entité corporative qui a pris la décision de désactiver le dispositif de sécurité! La Loi C-45, adoptée en 2003, modifie le Code criminel canadien de façon à ce que des dirigeants responsables de négligence criminelle puissent être poursuivis personnellement.

Tuer un travailleur, c’est beaucoup plus abordable au Québec!
Le Québec fait résolument piètre figure en comparaison avec les autres provinces et territoires du Canada. À titre d’exemple, pour des infractions similaires en vertu des Lois sur la santé et la sécurité, les amendes sont dix fois plus élevées en Ontario qu’au Québec. Lorsqu’il s’agit d’une récidive, les amendes peuvent atteindre 500 000$. Au Québec, la peine maximale est de 20 000$. Le montant des amendes n’a pas été révisé au Québec depuis la création de la Loi sur la santé et la sécurité du travail en 1979… Imaginez que les infractions au code de la route, que l’essence ou encore que les taxes n’aient pas augmenté en trente ans!

Plaider coupable par intérêts
La FTQ-Construction joint sa voix à celle de la FTQ en dénonçant le travail bâclé du procureur de la couronne dans la cause Transpavé. Alors que le bilan s’alourdit contre la compagnie et ses dirigeants, que les constats de négligence et de responsabilité dans les évènements qui ont mené au décès de Steve L’Écuyer se multiplient, que la compagnie elle-même reconnaît publiquement sa responsabilité criminelle dans le dossier, le procureur de la couronne clame haut et fort que Transpavé est une compagnie exemplaire en matière de santé et sécurité… Ce qui justifie probablement la sentence dérisoire et l’absence de poursuites contre les véritables responsables.

Une cause aux milles échos dans la construction
Si la cause de Transpavé fait réagir si fortement la FTQ-Construction, c’est que cet accident aurait tout aussi bien pu se produire sur un chantier de construction. Des dizaines d’accidents surviennent tous les ans sur les chantiers de construction.

La FTQ-Construction suit le dossier de près depuis le tout début: «Nous sommes vraiment très déçus de l’aboutissement de cette cause qui aurait dû, à notre avis, servir d’exemple. L’affaire Transpavé a attiré l’attention des médias parce que c’est une première au Québec; les circonstances étaient favorables et le dossier substantiel. C’est désolent pour l’ensemble des travailleurs décédés des suite d’un accident de travail», d’affirmer Richard Goyette, directeur général adjoint de la FTQ-Construction.

En 2007, 54 travailleurs de la construction ont péri des suites de lésions professionnelles, ce qui représente un décès sur quatre au Québec en raison du travail. Les dossiers consistants de négligence criminelle sont nombreux, mais aucune poursuite n’est déposée, ni contre les employeurs ni contre les compagnies. Il semble que les corps policiers municipaux, la Sûreté du Québec de même que le procureur général ne s’inquiètent pas outre mesure de cette situation pourtant alarmante.

MM/

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