Les interventions de Claude Castonguay depuis une semaine ont eu le mérite de relancer le débat sur une nécessaire réforme des pensions pour s’attaquer à certaines réalités incontournables: une augmentation de la pauvreté et un taux de revenu insuffisant à la retraite, particulièrement pour les personnes gagnant entre 25 000 $ et 60 000 $ par année, des régimes d’employeurs, dans le secteur privé en particulier, malmenés et confrontés à des fermetures et des conversions ainsi qu’un taux d’épargne nettement insuffisant.

 

Il est quand même renversant de réaliser qu’un Québécois sur deux de 65 ans et plus a des revenus suffisamment faibles pour être admissible au Supplément de revenu garanti, un programme d’assistance visant les personnes âgées démunies. Si rien n’est fait, les prochaines cohortes de personnes retraitées seront encore plus pauvres que la cohorte actuelle, auront un taux de remplacement du revenu moins élevé et seront davantage dépendantes des maigres programmes gouvernementaux d’assistance.

 

M. Castonguay a donc raison de rappeler qu’une «société développée doit assurer à ses citoyens un minimum de revenus» et qu’en ce sens les politiques publiques doivent s’assurer de réaliser un tel objectif. Il s’agit là d’une approche nettement plus intéressante que celle convenue en décembre dernier par les ministres fédéral et provinciaux des Finances et qui propose un nouveau Régime de pensions agréé collectif, qui n’est en fait rien d’autre au Québec que l’actuel Régime de retraite simplifié, apparenté à un REER, administré par les institutions financières, mais où on va même retirer l’obligation que l’employeur soit tenu d’y contribuer.

 

Ce type de régime existe depuis une dizaine d’années et en 2008, le total des actifs dans ces régimes pour l’ensemble du Québec se limitait à 918 millions de dollars. Bref, le gouvernement du Québec, s’il devait donner suite au consensus de la conférence de Kananaskis, s’apprêterait, au nom du libre-choix, à ne rien faire et à laisser la situation se détériorer davantage.

 

Administration et continuité

Nous sommes d’accord avec M. Castonguay et de nombreux commentateurs sur le fait que, conformément à l’approche retenue en 1998, la cotisation au RRQ doit être rajustée le plus rapidement possible au niveau stable permettant d’assurer le versement des rentes promises et maintenir la confiance de la population, des jeunes en particulier, envers le Régime. Il faut cesser de remettre le rajustement des cotisations et agir maintenant!

 

Mais l’analyse qu’a faite M. Castonguay de l’option d’améliorer le Régime des rentes du Québec, qu’il a écartée d’emblée, aurait gagné à être approfondie. Il lui reconnaissait déjà l’avantage d’être facile à appliquer sur le plan administratif et de s’inscrire dans la continuité. Mais elle a de nombreux avantages, si nous prenons en particulier la proposition mise de l’avant par des organisations comme la FTQ, la FFQ, l’AQDR, Force jeunesse, des fédérations étudiantes et d’autres groupes à partir de travaux réalisés par Bernard Dussault, qui a été actuaire en chef du Régime des pensions du Canada entre 1992 et 1998.

 

En haussant progressivement de 25 à 50 % le taux de remplacement assuré par le RRQ et en augmentant de 47 200 $ à 62 500 $ (barèmes 2010) le plafond de revenu couvert, il fait en sorte qu’on s’assure que les prochaines cohortes de personnes retraitées pourront espérer un taux de remplacement du revenu à la retraite plus adéquat, tout en laissant de la place aux épargnes personnelles.

 

Caisse de retraite

Afin d’éviter un certain nombre de difficultés liées au RRQ tel qu’il est actuellement financé, le nouveau volet serait un volet distinct du RRQ actuel, pleinement capitalisé, qui viendrait progressivement à maturité au cours des 47 prochaines années. Il s’agirait donc d’une caisse de retraite, et non pas d’une taxe, où la rente serait fonction du nombre d’années cotisées et du montant versé, et qui serait garantie et indexée le reste de la vie durant grâce aux rendements obtenus.

 

Il s’agit là d’une option sécuritaire, qui tient compte des réalités actuelles du marché du travail avec un taux de roulement élevé de la main-d’oeuvre et la montée du travail atypique, et où on en a pour notre argent. L’équité intergénérationnelle de ce nouveau volet est donc pleinement assurée dès le départ, ce qui explique pourquoi des groupes de jeunes ont appuyé avec enthousiasme cette approche.

 

C’est l’option la plus efficiente. En profitant des faibles frais de gestion du Régime de rentes du Québec (alors que les frais de gestion des REER canadiens, selon des études crédibles, sont parmi les plus élevés au monde pour une performance souvent en deçà des indices de référence) et du rendement d’une politique de placement diversifiée, cette option permet de doubler la rente promise pour une augmentation de la cotisation nettement moindre.

 

Contrairement à l’approche des ministres des Finances, mais aussi de Claude Castonguay, nous pensons que l’amélioration de la sécurité du revenu à la vieillesse est un enjeu sociétal qui requiert la solidarité de l’ensemble des composantes de la société, et pas seulement les travailleurs, et la législation doit obliger non seulement les travailleurs, mais aussi les entreprises, à cotiser à la solution retenue. D’ailleurs, politiquement, une législation obligeant à cotiser à un régime sera mieux acceptée par la population si elle inclut une cotisation obligatoire de l’employeur au bénéfice du travailleur.

 

Sécurité et efficience

Pour les entreprises et les travailleurs déjà couverts par un régime de retraite, la mise en place d’un tel régime public constituerait une occasion d’ajuster en conséquence le coût du service courant dans leur régime de retraite, atténuant ainsi les pressions financières et comptables que doit supporter individuellement chaque entreprise et permettant ainsi une viabilité accrue des régimes à prestations déterminées dans le secteur privé.

 

M. Castonguay s’est inquiété de l’impact sur les travailleurs à faible revenu d’une amélioration du RRQ. En relevant l’exemption au niveau des cotisations, la proposition limite l’impact pour les travailleurs à faible revenu et leurs employeurs. Ainsi, un travailleur gagnant 35 400 $ verrait sa cotisation passer de 4,5 % à 7,0 % de son salaire, mais en contrepartie, sa rente à terme augmenterait de 8408 $ à 16 815 $.

 

Bref, l’approche qui est la plus sécuritaire, qui permet de garantir à l’avance un taux de remplacement amélioré du revenu pour le reste de la vie durant tout en laissant une place à l’épargne privée sur une base complémentaire, et où on en a le plus pour son argent, c’est une amélioration du Régime des rentes du Québec. Pourquoi écarter aussi rapidement une telle option?

 

Michel Arsenault et Michel Lizée – Respectivement président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et coordonnateur au Service aux collectivités de l’UQAM et économiste spécialisé dans le dossier des régimes de retraite