À en croire plusieurs, le projet de loi 33 ne touche que le placement syndical. Détrompez-vous ! Cette réforme apporte plusieurs modifications qui bouleverseront la vie des travailleuses et travailleurs sur les chantiers et qui portent atteinte à leurs droits syndicaux.

 

Des négociations houleuses en perspective

Dans la construction, comme dans les autres secteurs de l’activité économique, les associations syndicales, qui représentent plus de 50 % des travailleurs, négocient et concluent directement leurs conventions collectives avec les parties patronales. Dans notre industrie, ce régime fonctionne bien puisqu’il n’y a pas eu de conflits depuis de très nombreuses années.

Un troisième joueur vient de s’ajouter

La ministre du Travail vient casser cet équilibre puisque le projet de loi prévoit que les Rio Tinto, QIT, Suncor, Hydro-Québec… de ce monde devront être consultés avant d’entreprendre et de conclure les négociations avec les employeurs. C’est comme si les employés d’une usine devaient négocier leurs conditions de travail avec les clients de cette usine et non pas avec
leur employeur.

Pour les travailleurs, l’ajout de ce troisième joueur signifie des conditions de travail à la baisse, car les dirigeants de ces grandes entreprises répondent avant tout à leurs actionnaires. Ils n’ont aucun intérêt pour la main-d’oeuvre de notre industrie.

La majorité ne suffira plus

La ministre du Travail ajoute une règle en exigeant qu’au moins trois des cinq associations syndicales donnent leur accord pour ratifier ou refuser un projet de convention collective. Cette modification donne un droit de veto aux associations qui représentent peu de travailleurs.

Un exemple : le Conseil provincial (International) et la FTQ-Construction représentent à eux deux 70 % des travailleurs. Malgré cela, les autres associations, qui représentent 30 % de la maind’oeuvre, pourraient refusent de ratifier un projet de convention et paralyser toute possibilité d’un règlement accepté par la majorité.

Par ailleurs, comme la loi continue de nous interdire de négocier des clauses de rétroactivité, nous questionnons la logique de la ministre du Travail qui vient mettre en place des dispositions
qui créeront des situations conflictuelles, retarderont la ratification des conventions et priveront les travailleurs de leurs augmentations salariales.

Un vol de 185 millions $

Depuis plusieurs années, nous avons négocié la création de fonds pour le perfectionnement de la main-d’oeuvre. Nous y avons accumulé un montant important pour garantir la pérennité de ce vaste programme. L’an dernier, plus de 20 000 travailleuses et travailleurs ont suivi une activité de perfectionnement grâce à ces fonds. La ministre a décidé de court-circuiter ce système gagnant :
• En mettant la main sur nos 185 millions $.
• En nous interdisant de négocier cette question avec les employeurs.
• En transférant tout ce dossier à la Commission de la construction du Québec (CCQ).

Nous avions un système gagnant, décidé par les travailleurs et les employeurs, où leurs expertises étaient très précieuses. Dorénavant, ce seront des fonctionnaires qui décideront.

Placement : un nouveau système improductif, discriminatoire et coûteux

85 % des employeurs de la construction recrute directement leur main-d’oeuvre. Le reste se fait par le biais du placement syndical qui est encadré. Au lieu de revoir les règles afin d’éviter tout débordement, la ministre a choisi de chambarder un système qui fonctionne bien depuis
des décennies.

Le projet de loi vient interdire aux sections locales de faire du placement et crée à la CCQ un service de référence de main-d’oeuvre. Tous les travailleurs devront y être inscrits, mais les employeurs ne seront pas obligés d’y recourir, pas plus qu’ils ne seront obligés d’embaucher les candidats référés.

Le système proposé est improductif, car la CCQ, à cause de sa méconnaissance de la compétence de chacun, ne sera jamais en mesure de recommander les bonnes personnes aux bons endroits. Le système de la ministre ouvre également la porte à toutes sortes de discrimination. En toute impunité, les employeurs pourront refuser d’embaucher :

• Les travailleurs plus âgés, les accidentés du travail, les victimes de maladies professionnelles.
• Les travailleurs qui ne sont pas en mesure de suivre des activités de perfectionnement (ex. : ceux qui ont de la difficulté à lire et à écrire, ceux qui ont des charges familiales trop lourdes…).
• Les travailleurs qui réclament le respect de leurs droits, qui refusent d’entrer dans les manigances de certains employeurs, qui exigent le respect des règles de santé-sécurité.
• Les femmes, les minorités, les immigrants.

Enfin, ce système ne sera pas gratuit! Il va coûter plusieurs millions. Déjà, les travailleurs assument 65 % des 120 millions $ du budget annuel de la CCQ.

Une CCQ de moins en moins représentative

En accordant un siège à chaque association syndicale au sein de la CCQ, la ministre du Travail met fin à la représentation proportionnelle de chaque association et donne aux associations
syndicales minoritaires plus de poids que celles qui regroupent la majorité des travailleurs.

Par ailleurs, l’ajout de quatre membres indépendants, dont la seule qualité sera de ne rien connaître à la construction, fait que la CCQ sera de moins en moins paritaire. D’un organisme paritaire et privé, elle devient une succursale du gouvernement.

La ministre nous lie les mains

Un article du projet de loi 33 vient museler les délégués de chantier et les représentants syndicaux en les empêchant de demander les cartes aux travailleurs sur les chantiers. Cette mesure signifie que certains employeurs vont avoir encore moins de difficultés à amener des travailleurs illégaux sur leurs chantiers. Drôle de mesure de la part d’un gouvernement qui dit avoir à coeur le sort des travailleurs et vouloir combattre le travail au noir.

UNE SEULE CONCLUSION S’IMPOSE : COMBATTRE CE PROJET DE LOI !

Ce projet n’aide pas les travailleurs. Au contraire, il érige en système le règne de minorités, il fait main basse sur les fonds de formation, il donne un droit absolu aux employeurs de discriminer les travailleurs et fait de la CCQ, un monstre, où travailleurs et employeurs auront de moins en moins droit de regard.

Il détruit l’héritage laissé par les travailleurs qui se sont battus pour doter notre industrie d’un régime de relations de travail qui a fait ses preuves et qui les respecte. Nous demandons aux travailleuses et travailleurs de la construction d’être solidaires et vigilants. Nous comptons sur vous tous.

À suivre !