Nous avons toujours soutenu comme organisations syndicales que le Québec gagnerait à contrôler l’ensemble des leviers nécessaires à son développement économique et social. Un bon programme d’assurance-emploi en fait certainement partie. Outre de protéger le revenu des personnes qui perdent leur emploi, il soutient l’activité économique en période de ralentissement et il redistribue la richesse entre les personnes et entre les régions. Si le Québec pouvait compter sur un programme bonifié d’assurance-emploi adapté à sa réalité et qui permettrait une meilleure couverture pour les chômeuses et les chômeurs, nous serions tous gagnants.

Depuis les années 90, le régime fédéral d’assurance-emploi a été considérablement amputé, si bien qu’aujourd’hui à peine un chômeur sur deux a accès à des prestations. Avec un taux de prestation à 55 % de la moyenne de rémunération assurable, le régime canadien figure parmi l’un des moins généreux des pays de l’OCDE. Comme si ce n’était pas assez, le gouvernement Harper en a remis. En créant trois catégories de chômeurs, il resserre à nouveau les critères d’admissibilité et le niveau des prestations accordées. Tout ça, alors qu’il ne verse pas un sou à la caisse d’assurance-emploi et qu’il a refusé d’y remettre les quelque 48 milliards détournés au fil des années. Dans un tel contexte, envisager le rapatriement du régime d’assurance-emploi nous semble tout à fait pertinent.

 

L’importance du contenu d’un futur régime québécois d’assurance-emploi

Dans le cadre d’un rapatriement, il importe de savoir quels seraient les contours d’un régime québécois d’assurance-emploi, principalement en ce qui concerne la couverture, la gouvernance, le coût et le financement.

Comme organisations syndicales, nos positions sont claires. Nous revendiquons des bonifications majeures depuis plusieurs années, soit : l’élargissement de l’admissibilité, la hausse du taux de prestation de 55 à 60 % , l’allongement de la période de prestation, l’abolition du délai de carence, l’exclusion des indemnités de départ de la rémunération, l’allègement des sanctions en cas de départ volontaire ou de congédiement pour inconduite et la création d’une caisse autonome administrée par les cotisants. Un programme québécois devrait aller en ce sens.

En matière de financement, les enjeux sont aussi importants. Présentement, la cotisation des employeurs correspond à 1,4 fois la cotisation de leurs employé-es. Les organisations syndicales québécoises se sont toujours opposées à un financement 50/50 (travailleurs/employeurs), comme le réclament les associations patronales. Par contre, nous sommes ouverts à une participation financière du gouvernement. Comment le nouveau programme serait-il financé? Il faut aussi débattre de cette question.

 

L’aspect constitutionnel, un enjeu à ne pas sous-estimer
Finalement, il est impossible d’ignorer les implications constitutionnelles d’un rapatriement du programme fédéral d’assurance-emploi au Québec. Or, de l’avis de plusieurs experts, le rapatriement de ce programme ne peut se faire sans amendement constitutionnel. Évidemment, il n’y a rien d’insurmontable, mais disons que sur le plan politique, le défi est de taille.

 

Des travaux à poursuivre et une bataille à livrer
Bref, nos organisations ne sont pas contre l’idée d’un régime québécois d’assurance-emploi bonifié qui pourrait mieux répondre aux réalités et aux aspirations des travailleuses et travailleurs du Québec, bien au contraire. Mais ce régime doit être nettement supérieur au régime actuel, sinon ce sera « changer quatre trente sous pour une piastre ». Il ne s’agit donc pas uniquement de faire consensus pour se lancer dans une démarche auprès du gouvernement fédéral afin de rapatrier le programme. Nous devons aussi examiner les contours d’un éventuel régime québécois d’assurance comme nous l’avons fait lors de notre bataille pour la mise en place d’un régime québécois d’assurance parentale.

Entre-temps, même si le fédéral fait la sourde oreille à nos revendications depuis des années, ce n’est pas une raison d’abandonner les chômeurs et nos batailles avec le gouvernement Harper. Les dernières modifications annoncées au programme d’assurance-emploi confirment l’importance de ne pas laisser le champ libre au gouvernement conservateur, même si nous sommes confrontés à un parti politique qui fait peu de cas des règles élémentaires de consultation et de démocratie. Nos organisations n’entendent pas hisser le drapeau blanc devant les attaques odieuses du gouvernement Harper.

 

Jean Lacharité, Vice-président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Daniel Boyer, Secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
Daniel. B. Lafrenière, Trésorier de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)