Une lutte pour la survie de la classe moyenne se livre actuellement dans l’État du Wisconsin aux États-Unis. Le gouverneur républicain de l’État, Scott Walker, tente de faire adopter une loi limitant les droits des travailleurs et travailleuses du secteur public. Cette loi vise à abolir, entre autres, le droit de négociation des syndicats du secteur public. En effet, selon la volonté du gouverneur Walker et prétextant l’urgence budgétaire, les syndicats ne pourraient, dorénavant, négocier que les salaires de leurs membres.

 

La secrétaire-trésorière de l’AFL-CIO à Montréal

Une assemblée publique organisée par le SPQ-Libre et le local 301 du SCFP (Syndicat canadien de la fonction publique) a rassemblé près de 200 personnes pour écouter Mme Stéphanie Bloomingdale, secrétaire-trésorière de l’AFL-CIO du Wisconsin (l’équivalent de la FTQ). Mme Bloomingdale a entretenu l’audience sur les diverses attaques que subissent actuellement les syndicats au Wisconsin et dans le reste des États-Unis. Son message était clair : « La solidarité n’a pas de frontière, les menaces provenant de la droite non plus! La seule réponse possible pour contrer la détermination des républicains à éliminer tout ce qui se trouve dans leur chemin, c’est de se mobiliser, deskitched-20110328-161901 s’organiser et de descendre dans la rue. » « Les pauvres, la classe moyenne et les syndiqués ont fait beaucoup de sacrifices et de concessions. Les gens se demandent quand les corporations feront de même. Sinon, il n’y a pas d’économie juste et équitable de possible, a affirmé Mme Bloomingdale en spécifiant qu’« il s’agit peut-être du combat de la dernière chance pour la classe moyenne, pour la défendre de ses droits aux États-Unis.»

 

Un projet de loi antisyndical

Ce projet de loi sabre sauvagement dans les conditions de travail et les avantages sociaux des syndiqués. Toutes augmentations de salaires dépassant l’indice du coût de la vie feront désormais l’objet d’un référendum. De plus, cette loi supprime la perception automatique des cotisations syndicales sur la paie des travailleurs et travailleuses de l’État. Cette loi est une attaque frontale contre le mouvement syndical du Wisconsin. « Alors même que les syndiqués avaient déjà accepté d’importantes compressions, compte tenu du contexte économique, souligne Mme Bloomingdale, ce projet de loi n’est rien d’autre qu’une tentative pour écraser le mouvement syndical et détruire la classe moyenne. Nous faisons face à un plan d’attaque concerté. L’Indiana, l’Ohio, le New Jersey, le Michigan et la Floride subissent des attaques similaires dont l’objectif est de s’en prendre au mouvement syndical du secteur public, via les États plutôt que par le fédéral. »

 

Des élus se joignent au mouvement

Quatorze élus démocrates se sont joints à la bataille. Ayant compris l’ampleur des enjeux, ils ont refusé de participer à la destruction de la classe moyenne. « Les sénateurs ont clairement dit qu’ils ne participeraient pas à la destruction de la classe moyenne américaine et ils ont quitté l’État, pour priver le gouverneur du quorum nécessaire à l’adoption du projet de loi. », nous a expliqué Stephanie Bloomingdale de l’AFL-CIO. Le gouverneur Scott Walker, par une série d’entourloupettes, a réussi à contourner le quorum pour faire adopter sa loi.

Une mobilisation monstre et des stratégies juridiques sont mises en place

skitched-20110328-161939Heureusement, l’AFL-CIO (le syndicat équivalent de la FTQ au Wisconsin) a entrepris une importante contre-attaque. Plusieurs stratégies ont été mises en place. En premier lieu, une mobilisation grandiose est maintenant en marche. Plus de 150 000 personnes étaient présentes dans les rues de Madison, capitale de l’État, lors d’une manifestation pour contester ce projet de loi.

Le gouverneur Walker misait sur la division du milieu syndical entre secteur privé et secteur public. De plus, il comptait sur un sentiment revanchard du reste de la population non syndiquée. Les choses ne se sont pas produites ainsi. Contrairement au calcul du gouverneur Walker, la population a démontré clairement sa solidarité avec les syndiqué-e-s du secteur public. Saignée à blanc par la crise économique qui a frappé de plein fouet les États-Unis, la population du Wisconsin n’a pas été dupe des manœuvres de diversion du gouverneur républicain. Sachant très bien que les seuls à être sorti indemne de la crise ont été les plus fortunés, la population du Wisconsin a crié haut et fort son mécontentement.

Mme Bloomingdale soulignait, avec bonheur, lors de sa conférence l’évolution de la mobilisation : « Le premier jour nous étions 10 000 personnes dans les rues de Madison, suivi de « 20 000 personnes le 4e jour, 100 000 le 10e et 150 000 le 31e! Le mouvement continue à croître, il y a un momentum pour l’action syndicale. Nous faisons face à une menace importante, mais c’est aussi l’occasion de relancer le mouvement syndical ».

 

En second lieu, une stratégie juridique a été mise en place. Une injonction contre le projet de loi a été demandée puisque le processus législatif n’a pas été respecté. En effet, cette loi fut adoptée de façon particulièrement troublante. La loi fut adoptée de nuit et avec les portes du Capitole verrouillées (l’équivalent de l’Assemblée nationale). La loi a également été votée avec seulement 45 minutes de préavis, contrevenant ainsi aux plus rudimentaires principes de démocratie. La cour a d’ailleurs donné raison aux syndicats. Le gouverneur Walker a porté le jugement en appel.

 

Des moyens de luttes modernes

Les syndicats du Wisconsin, face à cette attaque sans précédent, ont du faire preuve d’innovation. Comme l’ont fait par le passé les mouvements alter-citoyens, ils ont utilisé les médias sociaux tels Twitter et Facebook pour soutenir leur mobilisation. Dans son allocution, Stephanie Bloomingdale a souligné l’importance pour le mouvement syndical d’investir les nouvelles plateformes de communications pour débattre des enjeux actuels. Tout en soulignant l’importance du travail de terrain et des contacts directs avec les membres, Mme Bloomingdale a souligné le rôle central d’une intégration des outils modernes de communications dans les luttes menées actuellement.

 

La droite médiatique de l’empire Quebecor et le Wisconsin

Peu de médias québécois ont publié des informations en lien avec les évènements ayant cours au Wisconsin. L’empire Quebecor en a parlé, et cela, pour laisser entendre que des « solutions » similaires au « problème syndical » québécois devraient être appliquées. Cette prise de position des médias de l’empire Quebecor en faveur de l’idéologie républicaine du sénateur Scott Walker, démontre encore une fois, l’importance d’une prise de conscience globale des milieux sociaux et syndicaux du Québec. Le vent de droite qui souffle aux États-Unis et dans une partie importante du Canada est à nos portes. Si nous tardons à réagir, nous subirons éventuellement les mêmes attaques. Pensons seulement au Réseau liberté-Québec qui répand, jour après jour, ses âneries antisyndicales. Pensons aux Richard Martineau, Johanne Marcotte et Eric Duhaime qui, par leurs écrits, tentent de miner les acquis sociaux gagnés par de chaudes luttes par les travailleurs et travailleuses du Québec. Les organisations syndicales et communautaires ont trop longtemps considéré ces démagogues comme des hurluberlus sans réel pouvoir. On peut constater aujourd’hui que leurs auditoires sont en croissance. Une certaine frange de la population remplie de cynisme par ces prêcheurs d’idées néo-conservatrices, prônent la réduction et même la destruction des services publics actuels. Ces idées ont d’ailleurs trouvé des oreilles attentives au Parti libéral du Québec. Le dernier budget Bachand continue le déboulonnage de nos institutions sociales (surveillez notre site internet pour une analyse complète du dernier budget du Québec).

 

Messages de solidarité

Dans une lettre envoyée le 14 mars, le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Michel Arsenault, a exprimé au nom de l’ensemble des membres de la centrale et de ses syndicats affiliés, son appui et sa solidarité envers les salariés du Wisconsin, aux prises avec des attaques frontales contre leurs droits d’association et de négociation.

Il a rappelé que les acquis sociaux, arrachés de dure lutte par le mouvement syndical et les groupes communautaires, subissent de plus en plus de pression au Québec et au Canada et que constamment, il faut veiller au grain.

De plus, de nombreux syndicats du Québec et du Canada ont envoyé des délégations au Wisconsin pour soutenir leur combat.

Eric Demers

 

Vous pouvez visionner la conférence de Stephanie Bloomingdale à l’adresse suivante :

http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=2950

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter les sites internet suivant :

http://www.wisaflcio.org/

http://www.standwisconsin.org/

http://wisaflcio.typepad.com/

http://www.youtube.com/user/OneWisconsinNow#p/a/u/0/rZZa_h1qxQU

http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=2943