Vendredi, le 15 décembre 2006 – En s’opposant récemment à l’émission d’exemptions plutôt qu’à l’émission de certificats de compétence par la Commission de la construction du Québec (CCQ) à l’endroit de travailleurs autochtones de la Côte-Nord, la FTQ-Construction dénonce la politique néo-coloniale entretenue par la CCQ à l’endroit de cette tranche de la population.

La FTQ-Construction a toujours favorisé l’accès à l’industrie par l’obtention d’un certificat de compétence puisque l’obtention de ce dernier accorde à son titulaire une pleine reconnaissance. Déjà, par le passé, l’Association des manoeuvres inter-provinciaux (AMI) avait exigé et obtenu de la CCQ l’émission de certificats de compétence occupation au bénéfice d’autochtones, plutôt que des exemptions à l’émission d’un tel certificat. Il s’agissait pour l’AMI de permettre aux autochtones admissibles d’accéder de plein droit à certains chantiers de la Côte-Nord notamment. Cette politique visait uniquement à assurer à l’ensemble de ses membres, peu importe leur origine ethnique ou la région qu’ils habitent, les mêmes droits. Cette politique de main-d’œuvre s’appuie sur des principes de justice et d’équité qui ne semblent cependant pas être partagés par l’administration de la Commission de la construction du Québec.

Rappelons les faits. Lors du «Sommet des autochtones», organisé par le gouvernement du Québec en octobre dernier, la CCQ a entretenu, avec certains acteurs de l’industrie, des tractations concernant l’accès aux chantiers de construction pour les autochtones. Ces tractations visaient à faire émettre des exemptions de certificats de compétence à des autochtones de la Côte-Nord dans le but de les faire œuvrer à titre de stagiaires sur un chantier du Lac-St-Jean. La FTQ-Construction ne peut que dénoncer cette «manigance» administrativement douteuse et franchement illégale. La Commission avait d’ailleurs omis d’inviter la FTQ-Construction à cette mise en scène «néo-coloniale», puisque notre position en matière de main-d’œuvre est connue au sein de l’administration.

Les règles applicables dans l’industrie de la construction, conformément au mandat qu’a confié le gouvernement du Québec aux parties syndicales et patronales, prévoient expressément que la formation et la gestion de la main-d’œuvre reposent entre les mains du Comité de formation professionnelle dans l’industrie de la construction (CFPIC). Comment se fait-il alors que les discussions relatives à la main-d’œuvre autochtone ne soient pas déférées à ce comité? Bien sûr, il existe aussi un comité consultatif pour les questions autochtones où sont représentés les autochtones, les associations patronales et les associations syndicales et où siège l’administration. Mais en l’espèce, il ne fut consulté qu’une fois la décision prise d’accorder les exemptions et les avoir émises. La FTQ-Construction est en droit de s’interroger afin de savoir où se prennent les décisions à la CCQ. L’officine de la Commission tient-elle ses séances de travail et de délibérations dans les couloirs des colloques ou des forums? Visait-on à écarter délibérément la FTQ-Construction de ce débat tout simplement parce qu’elle réclame depuis plusieurs années la mise en oeuvre d’une politique visant l’intégration sans compromis et de plein droit des communautés autochtones dans l’industrie de la construction? Pourquoi avoir spécifiquement délivré des exemptions à des autochtones de la Côte-Nord pour les faire travailler sur un chantier hors région, alors que la réglementation ne le permet pas? Pourtant, on sait très bien qu’il y a des autochtones dans la région du Lac-St-Jean. Sachant que la population des régions demeure sensible au transfert de main-d’œuvre, désirait-on créer un incident? Autant de questions qu’entretient la FTQ-Construction à l’endroit de pratiques pour le moins douteuses de la Commission.

La FTQ-Construction exige que tout un chacun soit traité équitablement en matière de qualification professionnelle. Or, l’entré de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction est régie par des règles déterminées par le gouvernement auxquelles la Commission, en tant que gardienne de ces règles, ne peut déroger. De plus, les parties patronales et syndicales dans l’industrie de la construction ne se sont jamais entendues pour recevoir des stagiaires sur les chantiers. En effet, selon la FTQ-Construction, comment expliquer que l’on puisse recevoir des stagiaires dans une industrie où les jeunes qui accèdent aux chantiers doivent faire un long apprentissage afin de devenir «compagnon». Désire-t-on les punir? Si on cumule stage et apprentissage, combien faudra-t-il d’années afin de parvenir au compagnonnage? Sans parler que, trop souvent, un «stage» équivaut à du «cheap labor». Pourquoi, dans un tel contexte, délivrer une exemption à détenir un certificat de compétence à une partie de la population plutôt que leur délivrer un certificat de compétence accordant à ces nouveaux salariés les mêmes droits qu’à l’ensemble de la population ouvrière? Pourquoi des stages pour les autochtones? Poser la question, c’est y répondre.

Voilà pourquoi la FTQ-Construction s’oppose à la reconnaissance de deux catégories de travailleuses et de travailleurs. À la FTQ-Construction, nous n’entretenons aucune distinction quant à l’ensemble de la population que nous desservons. Les stagiaires dans l’industrie de la construction, ça n’existe pas! Il n’ont ni statut, ni conditions de travail déterminer. On connaît trop bien les petits «rackets» de l’emploi. À la fin du stage, ils seront mis à pied sans avoir créer de lien d’emploi avec l’industrie… un petit tour et puis s’en vont. Mais ceux qui ne connaissent pas bien les rouages de l’industrie pourront croire qu’on les a aidés, alors que les autres prétendront l’avoir fait. Il s’agit d’un régime d’exploitation que nous ne pouvons cautionner.

Depuis plusieurs années, la FTQ-Construction demande que l’industrie se penche sur la question des autochtones et dégage des consensus permettant de mieux former et qualifier cette population. La FTQ-Construction prétend qu’il est urgent de mettre en place des moyens efficaces afin de permettre aux autochtones de bénéficier d’une formation adéquate et d’une qualification reconnue. Toute demi-mesure à ce sujet est interprétée par la FTQ-Construction comme de faux semblants visant à séduire une population peu informée de ses droits et mal défendue en raison de l’absence de la partie syndicale, dont principalement la FTQ-Construction qui entretient un préjugé favorable aux autochtones. La FTQ et la FTQ-Construction se sont déjà prononcées en congrès sur cette question et maintiennent leur adhésion à une déclaration politique qui ne porte pas à équivoque.

Encore une fois, la Commission de la Construction du Québec se place au-dessus de la législation et de la règlementation dont elle a pourtant le mandat de faire appliquer. C’est d’ailleurs dans un tel contexte, que la Commission de la construction du Québec se prétend apte à faire le placement de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction. Plutôt que de viser à s’arroger des mandats dont elle ne peut rencontrer les exigences et pour lesquelles, elle ne détient pas la confiance nécessaire d’une partie importante de la population dont elle a pourtant le mandat de représenter, la CCQ aurait d’abord intérêt à s’auto-discipliner.

Dans un premier temps, elle pourrait subitement se rappeler que se sont les travailleuses et les travailleurs de la construction qui la financent grassement et se convaincre de faire son travail… juste son travail. Dans un second temps, elle devrait se soucier de demeurer en lien étroit avec ceux qu’elle qualifie de «partenaires», mot vide de sens et surutilisé dans le commerce. Voilà qui lui éviterait, d’une part, de commettre des bévues monumentales et démontrerait, par la même occasion, un minimum de courtoisie. À moins, bien sûr, que les beaux discours entretenus par la Commission ne soient qu’apparences et servent de révélateur à une tendance lourde qui nous porte à croire que celui ou ceux qui gouvernent réellement la Commission et fixent l’agenda de l’industrie ne siègent pas à son conseil d’administration.

Le directeur général adjoint

Richard Goyette