28e Congrès de la FTQ: Les délégués s’opposent à l’instauration d’un vote obligatoire d’accréditation syndicale
Publié le 27 novembre 2007
Le mardi 27 novembre 2007 – La défense du système québécois d’accéditation syndicale a décidément retenu l’attention des délibérations en cette deuxième journée du Congrès de la FTQ. Syndicalisme et relations de travail au Québec; perspectives à l’heure où un vent glacial de la droite déferle sur la province.
Tendances syndicales au Québec
Selon les résultats d’une enquête menée pour la FTQ par la firme Echo sondage1, les deux tiers de la population estiment que les syndicats sont nécessaires dans notre société et qu’ils ont un rôle positif à jouer dans les relations de travail. La grande majorité des travailleurs syndiqués sont satisfaits de l’être et la moitié de ceux qui ne le sont pas souhaiteraient l’être. Depuis 1991, l’intérêt pour le syndicalisme chez les travailleurs et les travailleuses n’a cessé de croître. La très grande majorité de la population estime que le fait d’adhérer ou non à un syndicat est un choix qui ne concerne que les travailleurs, ne regardant en rien les employeurs.
Au niveau des enjeux politiques, intimement reliés aux préoccupations syndicales, viennent en tête de liste la préservation d’un système public de santé, d’éducation de même que la création et le maintien d’emplois. En dernier lieu, on retrouve le remboursement de la dette et les baisses d’impôts. Comme quoi la tendance anti-syndicaliste véhiculée par les grands médias déroge de la véritable perception et des aspirations des Québécois et des Québécoises.
Défendre notre système d’accréditation syndicale
Alors que les attaques virulentes contre les syndicats fusent de partout sur la scène publique, certains en profitent pour mettre sur la table des politiques radicales, clairement anti-syndicales, favorisant des intérêts purement économiques. La question de l’instauration du vote obligatoire pour les accréditations syndicales2 figure au lot des menaces 3.
Dans son allocution devant les délégués, le juge Louis Morin a illustré clairement les risques d’une telle pratique. Selon M. Morin, des études foisonnantes démontrent sans aucun doute que le vote d’accréditation est néfaste, discriminatoire et anti-démocratique, ne permettant pas aux travailleurs de signifier justement leur intention. Fermetures, menaces, congédiements, propagande anti-syndicale déloyale, modifications de l’organisation du travail, etc.: pour les employeurs, tous les moyens sont permis dans le but d’éviter la syndicalisation de leur entreprise.
L’exemple des États-Unis est éloquent : d’après la littérature, 75% des employeurs américains admettent avoir utilisé de pratiques anti-syndicales. Le vote obligatoire leur permet cette latitude et la rend même légale. Les firmes de consultants privés, casseurs de syndicats, représentent un marché très lucratif aux Etats-Unis. L’exemple de l’Ontario n’est guère plus rose, en quelques années, le taux de syndicalisation a dramatiquement chuté. Devinez quelle en est la cause… Le vote obligatoire. Certains osent affirmer qu’il s’agit là de liberté d’association tout simplement…
La liberté d’association n’est-elle pas d’abord et avant tout une affaire concernant les travailleurs et les travailleuses uniquement? Le syndicalisme n’existe-il pas en premier lieu pour défendre les intérêts des travailleurs et des travailleuses face à l’employeur? Comment admettre alors qu’il puisse mettre son grain sel dans un dossier qui ne le concerne absolument pas?
Une résolution d’actions
Les délégués ont du se pencher sur une résolution proposant que la FTQ adopte un plan d’action afin de publiciser les répercussions négatives qu’engendrerait le vote obligatoire et que la mobilisation contre cette politique anti-syndicale soit mise en branle. Au terme de très nombreuses interventions abondant toutes dans le même sens, le Congrès a adopté la proposition à l’unaminité.
Les causes qui ont mené à la création des syndicats ouvriers ont été reléguées aux oubliettes. Pourtant, il importe de concevoir le syndicalisme comme un moteur pour l’avancement et le développement des relations de travail au Québec. Ils sont les instigateurs des régimes sociaux et publics dont on dispose aujourd’hui. Certes, tout n’est pas parfait, mais quelle organisation peut se targuer de l’être, sans mentir?
La construction: un cas d’exception…
Le régime des relations de travail qui régit l’industrie de la construction est fort particulier. L’ensemble des salariés ont l’obligation d’adhérer à une association syndicale reconnue par la loi. Ainsi, tous et toutes bénéficient équitablement des mêmes conditions de travail et avantages sociaux. Jean Lavallée, président de la FTQ-Construction, s’est adressé aux délégués pour appuyer la proposition visant à contrer le vote obligatoire. Il a aussi exprimé les craintes engendrées dans nos rangs par une telle mesure.
On sait que l’industrie de la construction a déjà été échaudée par la déréglementation du secteur résidentiel en 1994, ce qui a laissé séquelles et appréhension. À ce sujet, les travailleurs oeuvrant dans ce secteur ont toujours des conditions de travail amoindries, situation dénoncée par la FTQ-Construction.
Intervention du directeur général
Jocelyn Dupuis, directeur général de la FTQ-Construction, a aussi pris le micro pour dénoncer ces politiques anti-syndicales dans une intervention vibrante: «Il est hors de question de laisser un parti politique (ADQ) aller de l’avant avec des mesures clairement anti-syndicales. La FTQ-Construction s’oppose au vote obligatoire.»
«Si le taux de syndicalisation du Québec est le plus haut en Amérique du Nord, c’est en très grande partie grâce à notre régime d’accréditation. Pourquoi changer un système qui est efficace? Parce que l’ADQ a des intérêts du côté patronal, qu’elle méprise les travailleurs et que Mario Dumont ne connaît absolument rien aux relations de travail. On lui conseille d’ailleurs de se mêler de ses affaires!», a conclu le leader syndical.
1 Sondage mené auprès de la population active du Québec. 1004 entrevues ont été réalisées, avec des travailleurs syndiqués et non syndiqués.
2 Politique officielle au programme de l’ADQ ayant déjà soulevé nombre de questionnements, de débats et d’inquiétudes.
3 Rappelons qu’au Québec, il est nécessaire d’obtenir la signature de carte d’accréditation syndicale de la majorité des travailleurs et des travailleuses pour obtenir l’accréditation du syndicat sur les lieux de travail. Aux États-Unis et en Ontario, un vote obligatoire doit être tenu pour que l’accréditation soit reconnue, ce qui donne aux employeurs toute la latitude nécessaire pour exercer des pressions sur les travailleurs et casser le syndicat.
MM/